[Like&Share] Les Elles de : Estelle MOSSELY YOKA
Médaille d’or de boxe aux J.O. et ingénieur, cette athlète de 25 ans inspire une nouvelle génération de femmes, au-delà du sport. Et s’engage pour une société plus paritaire.
Sur un ring comme dans la vie, on sent, derrière la cogneuse, la stratège avisée qui ne laisse rien au hasard et contrôle les plus infimes détails de sa vie. Aux Jeux olympiques de Rio 2016, c’est avec des ongles bleu-blanc-rouge qu’elle décroche la première médaille d’or de l’histoire de la boxe féminine française, au terme de quatre rounds acharnés face à la Chinoise Yin Junhua - on la voit enlacer son amoureux, le boxeur Tony Yoka, lui aussi médaillé d’or. Tout le pays vibre devant le symbole du «couple en or». Entre la France et cette jeune métisse d’un quartier populaire de Champigny-sur-Marne, près de Paris, née d’un père congolais et d’une mère ukrainienne, c’est l’uppercut amoureux.
Mais derrière la success story affleure la blessure intime : «Mes parents ont quitté l’Ukraine dans les années 1990, car c’était compliqué pour un couple mixte, raconte-t-elle. Ils ont émigré en France l’année de ma naissance. Mais leurs diplômes, un doctorat et un bac + 5, n’ont pas été reconnus. Ils sont devenus intendant et magasinier. Ils ont tout reconstruit de zéro. C’est pour eux que je me bats. J’ai besoin de prendre une revanche.» Cadette de sa famille, la petite Estelle mûrit vite. «À 6 ans, je savais quel métier j’allais faire, et à quel âge je prendrais ma retraite ! J’ai besoin de tout planifier.» Elle se rêve biochimiste, puis pâtissière
Ce sera finalement ingénieur, le métier que sa mère, malgré ses diplômes, n’a jamais pu exercer en France. À 12 ans, en ouvrant le journal municipal de Champigny, elle découvre la boxe, une discipline exigeante qui colle à son désir d’en découdre avec la vie. «Je cherchais un sport de combat encore plus dur que les arts martiaux.» Seule fille du club de boxe, elle affronte des adolescents de 17 ans. Elle s’entraîne dur. Comme dans Rocky ? «Je ne cognais pas dans des pièces de bœuf, mais, comme Stallone, j’avais "l’œil du tigre", sourit-elle. Les poignets endoloris à force de taper sur le punching-ball, les tours de stade par moins un degré, les marches d’escalier sous la neige… Je connais !» Elle cumule entraînement, école d’ingénieur et petits jobs. Les premières victoires tombent.
Championne de France en 2012, elle découvre le peu de place laissé aux filles : «Nous n’avions pas de vestiaire. Et il a fallu attendre 2012 pour que la boxe féminine soit admise aux Jeux olympiques.» Aujourd’hui ingénieur, Estelle réussit l’exploit de rendre la boxe attractive pour les jeunes filles. Après sa médaille, les inscriptions féminines dans les salles de boxe ont bondi de 24 %.
Consciente d’incarner un rôle de modèle, elle vient de fonder l’Observatoire européen du sport féminin : «Les fédérations ne tiennent pas assez compte des problématiques féminines, le harcèlement moral ou sexuel, la prise de poids liée aux changements hormonaux, les grossesses, les avortements avant une compétition ou la reconversion en fin de carrière.
L’Observatoire propose un accompagnement juridique, médical et psychologique. Si la France veut briller aux J. O. à Paris en 2024, elle doit soutenir davantage ses championnes. C’est un enjeu de performance.»
Source : extrait de Madame Figaro par Dalila Kerchouche